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La perfection est un chemin, non une fin.

    Le titre de cet article est un proverbe Coréen. Il pourrait se suffire à lui-même. Pourtant je ne peux m’empêcher de développer. Étant un poil perfectionniste, cela a été une source d’énormes problèmes pendant des années et aussi un besoin. Je ne comprenais pas que c’était un objectif inatteignable, ce qui causait d’importantes frustrations en plus de m’empêcher d’avancer. C’est un travers que partagent beaucoup de personnes avec un trouble du déficit de l’attention et qu’un autisme n’aide pas facilement à gérer.

    Même pour la rédaction des articles de ce site, c’est un combat permanent pour ne pas sombrer dans une quête hypothétique de cette satanée perfection.

    À chacun son degré

    Tout d’abord la perfection est propre à chacun, il y a un degré que l’on définit par rapport à des attentes qui sont parfois personnelles, mais aussi héritées d’attentes sociales.

    Rien que le sens du détail en influence sa définition, pour certains l’objectif est atteint alors que d’autres y verront pleins d’améliorations possibles. Et là se trouve une partie du problème lié aux attentes des autres. Tu pourrais faire mieux, faire un effort et toutes les phrases de ce genre, même si elles ont un objectif de motivation, peuvent être dangereuses. C’est souvent déjà du validisme. Vous voulez un exemple d’un phrase que j’ai dites à pas mal de personnes que j’avoue regretter maintenant ?

    Si je peux le faire, tu peux le faire.

    Et ben non. C’était une énorme erreur, qui a sûrement eu des conséquences néfastes pour certains et j’en suis bien désolé.

    Un objectif atteignable ?

    Précédemment j’ai dit, l’objectif est atteint. Est-ce que cela est réalisable ? Si le but à atteindre est la perfection, clairement non. C’est et cela ne sera jamais possible. Comme l’infini, qui se défini aussi de cette manière.

    Deux droites se coupent toujours en un point, situé à l’infini si elles sont parallèles

    J’ai souvent essayer d’atteindre la perfection, je n’ai jamais réussi. La conséquence de cette quête inaccessible est, qu’à un moment donné, à force de ne jamais y arriver, une règle apparaît. Pourquoi commencer quelque chose en ayant pour objectif la perfection si on ne l’atteint pas ? Soyons autistiquement logique, pourquoi commencer alors que l’échec est forcément le résultat final. Et c’est à ce moment qu’on ne commence plus rien.

    Ne pas viser mais tendre vers…

    Parfois, il suffit d’un petit changement dans la formulation d’une phrase pour que son sens, et l’image mentale qui y est associée, se transforme totalement.

    Il ne faut pas viser la perfection mais tendre vers la perfection.

    Et là, tout change. C’est comme si atteindre la perfection c’était essayer de passer une crevasse bien plus grande que la longueur de notre foulée. Le résultat sera toujours le même. On finit au fond. Alors que tendre vers l’infini c’est essayer de trouver un passage où il y a des étapes intermédiaires vous permettant de faire un pas. Elles sont souvent plus grandes au début et progressivement se réduisent. Vous ne passerez jamais cette maudite crevasse, par contre vous vous rapprocherez de l’autre côté, de plus en plus lentement et sans tomber dedans.

    Parfois ça me tend

    Tendre vers la perfection, peut être frustrant. Cela demande de savoir dire stop. Mais pourquoi ne pas faire un pas de plus. Car comme dans le cas des droites parallèles, si vous décidez de les suivre pour découvrir leur point de contact, jamais vous ne vous arrêterez de marcher. Mais dans la vie, on ne peut pas avoir que ce but. Déjà biologiquement, votre corps a des besoins et vous n’irez pas loin en n’ayant que cet objectif en tête, donc en ne les respectant pas vous vous mettrez dans la situation paradoxale où suivre cet objectif unique sera nuisible à ce dernier. Dommage…

    La mise en pratique

    C’est une activité artistique que j’ai développé qui m’a bien aidé à améliorer la gestion de ce paradoxe. Mélange de photo et traitement numérique. C’est une activité qui me permet de pousser à l’extrême mon envie de détail, de perfection en plus d’exprimer de manière visuelle la manière donc je perçois le monde.

    Au début, il fallait développer la technique, le processus pour arriver à l’objectif, même s’il n’était absolument pas clair, c’est un moment où les progrès sont plutôt visibles. Puis une fois que c’est à peu près acquis, on commence à prendre soin des détails, tant soit peu que cela en soit.

    Mais un jour, je me suis retrouvé confronté à un problème. C’est facile d’avoir cette démarche. J’étais content de pouvoir les montrer à mes proches, qui sont toujours super positifs dans de genre de situation.

    Et c’est à nouveau à l’hôpital, qu’un événement aura été déclencheur. Plutôt normal, car je m’y rendais fréquemment. Lors mes passages dans ces murs, je regardais toujours ce qui était exposé, ma sensibilité visuelle est aussi très importante. Quand on pense en image, il est un peu normal de se nourrir en image. Mais je trouvais la majorité de ce qui était exposé assez sombre, gris et déprimant. Je trouvais cela paradoxal pour un lieu qui reçoit des personnes en quête de soin, c’est déjà assez compliqué pas besoin de se faire péter le moral, il y a assez de personnel qui s’en charge.

    Alors on expose ?

    Je me suis dit que j’allais contacter le service responsable pour leur faire remarquer. Leur ai donc écrit, partageant en même temps le site ou je publiais mon propre travail artistique. Il n’y avait pas d’objectif personnel à ma démarche. De toute façon à des années lumières d’imaginer que mes créations puissent intéresser quelqu’un et provoquer un désir de les exposer.

    La responsable m’a répondu, m’expliquant qu’elle partageait mon point de vue mais qu’elle n’avait pas la main sur tout ce qui était exposé. Souvent c’était des démarches internes aux différents services. Et elle a souhaité me rencontrer.

    Le problème pour la personne autiste que je suis, c’est que c’était le genre de demande où dire « non » n’était pas vraiment concevable. J’ai appris un peu depuis. Quoiqu’il en soit je l’ai rencontrée, elle a adoré mon travail et a, de suite, désirer l’exposer, dans le hall d’entrée. J’étais totalement perdu. Mon travail n’était absolument pas abouti, pas assez parfait. En plus elle me proposait de pouvoir en exposer 18. J’en avais imprimé 2, donc je n’étais pas encore satisfait. Mais là encore, j’ai dit oui. Et j’ai bien fait. Une date à été assez rapidement définie. Donc un délai pour fournir un résultat.

    Avec mon rang de Procrastinator Ier, champion de l’atermoiement, comme d’habitude, j’ai commencé par me dire pas de soucis et m’y mettre doucement. J’avais suffisamment de matière pour créer les œuvres. Mais assez vite les maths sont venu perturber le programme. 4 mois pour produire 18 œuvres, alors qu’il me fallait environ 1 mois pour en terminer une, et une centaine d’heures de travail par pièce. D’autant plus que je ne les considérais jamais terminées…

    Fallait faire un choix

    Et oui, pas le choix. Enfin si, ne pas faire de choix est un choix en soi. J’ai dû prendre le parti d’être un peu rationnel dans mon travail créatif. Avancer suffisamment une oeuvre pour me dire qu’elle était déjà pas mal, quitte à la reprendre ultérieurement quand toutes auraient atteint un niveau similaire de satisfaction.

    C’était sans compter que certaines finalement, ne me convenaient pas et se sont retrouvées éliminées en cours de création. Heureusement, c’était pas totalement bloquant, j’en avais plus de 18 en cours de production et il était possible d’en exposer moins au pire.

    Pour savoir à quel moment je pouvais me dire que c’était déjà pas mal, les 2 que j’avais présentées me servaient de référentiels, elles semblaient passablement abouties pour la curatrice, j’essayais donc d’avoir un résultat un peu plus satisfaisant sur les suivantes. Ce petit pas en plus vers l’autre bord du gouffre.

    Sprint final

    Une semaine avant le vernissage, on m’appelle pour me demander, d’apporter les œuvres terminées à faire encadrer. J’ai répondu qu’aucune n’était terminée. Stupéfaction, on me rappelle qu’il fallait du temps pour les encadrer, moi j’avais calculé mon temps, comme s’il n’y avait plus d’autres actions après. Je les imprimais aussi, j’adore gérer toute la chaîne de production, mais je me comportais comme si penser à les imprimer allait le faire. Même l’accrochage je l’avais pas pris en compte et c’était aussi une des parties du travail la plus importante à mes yeux.

    On a trouvé une solution, tous les jours, je devais en amener 4 à l’encadrement. Ça me permettrait de tirer sur le délai jusqu’à la limite. Tout en ayant un planning bien en place, si j’avais le temps d’imprimer et de livrer tous les jours, le temps restant me permettait de peaufiner les suivantes. Et ça a marché, j’avoue que j’avais une tendance à voir tous les défauts que j’aurais pu corriger encore et encore. Mais je me disais que je pourrais le faire ultérieurement, sur les prochaines versions.

    Lors du vernissage, je n’ai pu m’empêcher de faire remarquer à la curatrice, le défaut d’alignement géométrique que je n’avais jamais pu corriger sur une. Défaut, que visiblement, quasiment personne ne remarque. Cela l’a fait sourire, me faisant remarquer que ce n’était pas ça qui comptait et que cela ne les rendaient pas moins magnifiques. Je pensais retoucher ultérieurement, mais c’était sans compter avec un détail important, comme je fais plusieurs tirages, qu’il m’arrive de vendre, je ne peux plus les modifier. Et ben non, autrement je trompe un peu l’acheteur, qui penserait faussement acheter un exemplaire d’une série.

    Pour produire une nouvelle, il faut bien finir l’actuelle

    Donc maintenant quand je les considère ok pour une hypothétique mise en vente, je ne peux plus les toucher, même si parfois, je repère un problème des mois après. Par contre rien ne m’empêche d’y être attentif pour la prochaine. De plus, cela m’a permis de découvrir que très peu de gens ont mon sens du détail. Donc ne verront jamais les défauts. Et ceux qui les remarquent en fait, sont plutôt des personnes qui ne s’intéressent pas au sens caché, et surtout ne font rien. La critique est toujours plus facile que l’action, pourtant elle n’est pas plus parfaite. Lors d’une expo, quelqu’un me dit « Pourquoi je l’achèterais, je pourrais le faire moi-même, j’ai tout le matériel qu’il faut » je n’ai pas de problème à expliquer le processus technique, même si c’est la question la plus ennuyeuse qu’on peut me poser. Je lui ai juste répondu « Ben, faites-le. »

    Cela ne m’empêche pas de rester perfectionniste. À chaque nouvelle production, le temps passé dessus souvent est plus important. Et même si j’en ai produit une 40aine, 20 % n’ont jamais été publiées. Et c’est sans compter celles qui ont été arrêtées en cours. Finalement, maximum 10 % c’est transformé en produit fini. Et vous savez quoi ? Quand je les regarde maintenant, j’ai la fierté de voir la progression au fil du temps. Même si j’ai une préférence pour mes dernières productions.

    Faut que je vous avoue un truc, cela fait une année et demi, qu’aucune n’a vu le jour. Et une à été commencée il y a 4 ans, je suis toujours pas au bout. Mais parfois il y en a qui sortent en quelques semaines, avec beaucoup de facilité.

    Si j’avais visé la perfection au lieu d’essayer d’y tendre, aucune n’existerait et avec du recul, ce serait bien dommage.

    Ici c’est pareil

    Si je n’avais pas eu la même démarche, ce site n’existerait pas, ou serait vide. Parce que pas assez sourcé, pas assez bien rédigé. Il y a toujours une bonne excuse pour ne pas être content. Surtout une bonne excuse pour nourrir sa procrastination. Et vous savez ce qui la nourrit ? La peur. La peur de pas faire assez bien, de se tromper, etc. Toujours une bonne excuse aussi pour céder à la peur.

    Et quelqu’un me la rappelé il n’y a pas longtemps.

    Il n’y a que les gens qui ne font rien qui ne se trompent pas.

    Je rajouterais, pour éliminer l’implicite, ça n’empêche pas d’essayer de ne pas faire n’importe quoi. De se donner les moyens de faire déjà pas mal, tout en sachant qu’on a une marge de manœuvre pour faire mieux, la prochaine fois.

    De plus, les gens qui pensent ne pas se tromper, en ne faisait rien, se trompent. Ne rien faire, c’est faire quelque chose. Rien. Si au moins ils pouvaient essayer de bien le faire. Mais peut-être ont-ils atteint la perfection, ce qui implique qui n’y a plus de pas à faire vers cet objectif pourtant inaccessible.

    Et encore, faut-il reconnaître et accepter ses erreurs. Mais ça c’est un autre sujet, un autre article.

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